16 de gen. 2009

[***] La ville intemporelle - Francisco Gonzalez Ledesma

Lou Piriou

La forme, parfois, a son importance, autant que le fond. Francisco Gonzalez Ledesma est un homme qui sait mettre les formes pour entraîner le lecteur dans les courbures de l’Histoire, et le tenir au chaud, au creux de sa main, pétrifié de curiosité et d’impatience…
La ville intemporelle ou le Vampire de Barcelone” est un ouvrage ensorcelant, joueur, profond, léger et brillant. L’encre de Ledesma sur les pages, c’est du caviar sur des toasts, du champagne dans une flûte glacée, du plaisir et de la finesse. Un style, peut-être pas aussi présent que d’autres écrivains, mais tout entier au service de cette histoire de barcelonais amoureux d’une ville chaude et lourde où se trament des milliers de destins qu’un vampire traverse avec la légèreté de son ombre.

› Synopsis :
Barcelone, aujourd’hui. Marta Vives, érudite et jeune assistante de l’avocat Marcos Solana, cherche à éclaircir la mort mystérieuse d’un riche Barcelonais, retrouvé exsangue. Au fil de ses recherches, Marta va s’immerger dans le passé, côtoyer des forces obscures et revivre l’affrontement qui a opposé sa famille pendant des siècles à une autre vieille lignée catalane : les Masdéu.Barcelone, toujours. L’inquiétant narrateur, vampire depuis des siècles, parcourt la ville du Moyen-âge à nos jours. Inquisition, développement et siège de la ville, révolutions, guerre civile, rien ne lui échappe…
Qu’on aime ou qu’on reste prudent face aux histoires de vampire, le roman de Francisco Gonzalez Ledesma est avant tout une plongée historique au cœur des vieux quartiers de Barcelone, dans le cœur révolté en permanence de ses habitants, et une enquête policière hors normes – Hors du temps.

› Extrait :
Je viens d’années sans frontières, de villes ensevelies, de cimetières qui me parlent, de chants dont nul n’a souvenir. Je viens d’un temps lointain. Quand je suis né, la grande plaine barcelonaise qui s’étendait au-delà des murailles gothiques était dévolue au vice. On. y trouvait des lupanars bon marché qui n’avaient pas été admis dans la ville close et décente, des bateleurs, toutes sortes de saltimbanques affamés, des mendiants et des hors-la-loi.Ma mère était une esclave. Il ne faut pas s’en étonner. Ce quelqu’un ait cherché à nous tuer tous les deux n’a rien d’étonnant là encore. Ce quelqu’un, c’était l’Autre. Je tairai son nom car il m’arrive souvent de le croiser.

Léché, soigné, mais aussi viscéral, tantôt détaché tantôt personnel, le Vampire de Barcelone ne laissera personne de marbre – La ville intemporelle elle, entraîne le lecteur que je sais que vous serez, dans les méandres des peurs les plus intimes, au cœur des feux millénaires alimentés par le doute et les superstitions.
Un livre à consommer sans modération aucune, à prêter, à lire, à relire surtout. Ledesma signe là un ouvrage à plusieurs profondeurs, abyssal.

» “La ville intemporelle ou le Vampire de Barcelone“, de Francisco Gonzalez Ledesma, 416 p., 21€ aux
éditions L’Atalante.

Acqua Tofana, 13 janvier 2009